Crédit: Christian Rose / Site de Rfi

Manou Gallo, la femme-rythme

Tous les Ivoiriens gardent en tête le titre Iniyi de la musicienne Manou Gallo, extrait de l’album DIDA. Il a marqué les esprits alors que nous étions dans les années 2000. Aujourd’hui, malgré l’expérience internationale de Manou Gallo, certains ivoiriens ignorent qui est véritablement cette artiste qui vend si bien la musique ivoirienne et quel à été son parcours artistique.

Premiers pas dans la musique…

Née à Divo au sud de la Côte d’Ivoire, Manou Gallo de son vrai nom N’Guessan Gallo Pauline grandit auprès de sa grand-mère maternelle. A 8 ans, plongée dans son sommeil, elle rencontre le rythme. Sa grand-mère lui dit qu’elle se « tapait la poitrine alors qu’elle dormait ». Très vite elle frappe sur tout ce qui fait des sons rythmiques et notamment le tambour. Alors que traditionnellement, la femme n’a pas le droit de jouer du tambour, Manou se rend compte de la différence entre elle et les autres filles de son âge, dont l’éducation dans les stéréotypes habituels ne conduisent pas à s’ouvrir autant au monde que Manou Gallo. Attirée par la musique, la polyrythmique gagne du terrain chez Manou Gallo non seulement dans les percussions mais aussi dans le chant, tous deux des talents naturels de l’artiste.

Repérée par le groupe Woya, Manou Gallo est suivie par Marcellin Yacé, son mentor, un musicien. Etant le plus jeune membre du groupe, celui-ci la considère comme sa fille et n’hésite pas à la former. « C’est avec lui que j’ai connu la guitare basse » affirme-t-elle. Avec ce groupe Manou Gallo joue dans un stade plein en Côte d’Ivoire à l’âge de 12 ans. Voilà la petite fille de Divo à Abidjan désormais dans le monde musical, c’est une vraie star. Elle a captivé l’attention de la population ivoirienne lors de sa première émission télévisée. Mais Manou Gallo ne s’arrête pas là. La soif d’apprendre et surtout de se perfectionner l’amène au Village KIYI, pour apprendre la musique, le chant mais aussi la danse. Elle y passera trois années.

Un talent repéré en Belgique

En 1993 à Abidjan lors du Marché des Arts et du Spectacle Africain (MASA), Manou Gallo est repérée par un entrepreneur musical belge du nom de Michel De Bock qui travaillait avec le groupe belge Zap Mama. Quelques années plus tard, en Belgique, le groupe a besoin de recruter un bassiste. De Bock se rappelle de cette jeune fille qu’il avait rencontré lors du MASA à Abidjan, le coup du destin ! Manou Gallo se rend donc à Bruxelles le 3 janvier 1997 pour une audition. La première audition ne s’est pas bien passée, mais De Bock insiste sur le talent authentique de Manou. La responsable du groupe réalise que l’africanité de la bassiste non seulement comble le poste à pourvoir mais aussi fait écho au fait que le groupe porte en lui des désirs de sonorités africaines. La suite on la connait, en substance. Près de sept années émancipatrices où Manou Gallo tourne dans le monde avec le groupe Zap Mama, première fois en Amérique du nord, premières sensations affirmées que le rythme ne connait pas de frontières, quatre-vingt concerts par an avec ce groupe.

« Chez nous les Dida, nous avons un rythme lent et polyrythmique et quand le rythme est lent, tu peux faire des superpositions rythmiques dedans. On a des mélodies linéaires comme ça, on a des claps que les femmes tapent et le petit tambour qui accompagne et l’atêpklê qui donne le pas des rythmes, c’est vraiment enrichissant musicalement »

Manou Gallo

Un retour en solo

Après plusieurs années passées auprès du groupe qui l’a fait connaitre à l’international, Manou Gallo décide de quitter le groupe et de se mettre en solo. « J’ai quitté le groupe parce que je pensais que c’était la fin d’un cycle ». Toutefois, elle a gardé de bonnes relations avec son ancienne leader du groupe Zap Mama, Marie Daulne qui est même présente sur l’album Afro Queen Groove sorti en 2018. Aussi le label de Michel De Bock a travaillé avec beaucoup d’enthousiasme et de volontarisme sur ce quatrième album solo de Manou Gallo. Visant aujourd’hui une possible publication aux USA. Artistiquement, le disque contient une diversité stylistique ( funk, rap, world, afro) et deux présences notables sur l’album dont Bootsy Collins et Manu Dibango.

Sa musique, elle la puise dans les musiques traditionnelles de la Côte d’Ivoire selon le ton et le tempo qu’elle veut donner à la création. Elle travaille sur des rythmes de son terroir. Manou Gallo est une brillante cheffe d’orchestre. La scène est sa deuxième maison et il y a une puissance et une énergie irrésistibles lors de ses performance live.

Quitter la Côte d’Ivoire lui permettra de découvrir de nouvelles choses, de nouvelles musiques telles que le jazz, le funk et tous types de musiciens aux côtés du groupe Zap Mama. Manou Gallo a su développer sa maitrise des instruments et cela a fait d’elle la femme de rythme qu’elle est aujourd’hui. A la question de savoir ce qu’est l’échange culturel pour elle? Manou nous fait savoir que pour elle, l’échange culturel fait partir de l’ADN de l’être humain « Quand j’ai commencé la musique à Divo je ne faisais que le tam-tam, mais aujourd’hui je fais du jazz, du funk, du blues ». L’influence d’autres cultures lui a permit d’améliorer son art et de s’inspirer davantage. Pour elle, les rythmes africains sont tous influencés l’un par l’autre. « L’échange culturel existe depuis longtemps et le monde nouveau l’a juste institutionnalisé » ajoute-t-elle. Aussi, en ce qui concerne l’économie, Manou nous laisse entendre qu’elle doit se mettre au service de l’artiste en Afrique. Pour elle, en Afrique si tu n’es pas une star et ne gagne pas assez d’argent, l’on ne fera pas attention à toi, « le système culturel africain tue les artistes » s’indigne-t-elle.

« C’est le fruit d’un travail acharné. J’aime la musique c’est mon métier et je le fais tous les jours sans relâche, je ne me fatigue pas, j’apprends, je travaille mes instruments chaque jour au réveil au moins deux heures. »

Manou Gallo

L’appel insistant de la Côte d’Ivoire

En ce qui concerne son pays, la Côte d’Ivoire, difficile pour pour la bassiste de vraiment y imposer sa musique. Il est certain que les ivoiriens connaissent Manou Gallo, ils connaissent sa musique et voient son évolution mais celle-ci n’est pas encrée dans les habitudes musicales des ivoiriens. Cependant, en Europe, Manou Gallo remplit des salles, elle est aimée et sa musique respectée à sa juste valeur. Pour elle, « c’est le fruit d’un travail acharné. J’aime la musique, c’est mon métier et je le fais tous les jours sans relâche, je ne me fatigue pas, j’apprends, je travaille mes instruments chaque jour au réveil au moins deux heures. » Comment une artiste au talent pareil, qui travaille pour faire connaitre la musique ivoirienne et africaine en l’associant à d’autres styles pour en faire des rythmes sans pareils, voit plusieurs invitations dans son pays annulées sans aucune raison valable ? Malgré tout elle garde l’espoir de faire des spectacles dans son pays « J’irai jouer à Abidjan et pourquoi pas jouer à Divo » dit-elle avec beaucoup d’émotion. Son envie de venir jouer dans son pays, être reconnue pour son travail, pour sa musique dans son pays est quelque chose de très importante. En espérant que très bientôt, qu’elle soit élevée au rang qu’elle mérite dans son pays, Manou Gallo continue de donner de la valeur à la musique ivoirienne hors des frontières. Manou Gallo mérite une reconnaissance pour son travail en faveur de la promotion de la culture ivoirienne, de la reconnaissance du pays mais aussi de sa ville natale qui pour notre part devrait nommer une rue de Divo Manou Gallo.

Article écrit par Lidwine Priscilla Dakouri à partir d’un entretien téléphonique avec Manou Gallo et d’extraits de sa bio sur son site web

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Auteur·e

legbakohdedjimlin

Commentaires

Marie-aude
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Belle article qui m’a permis de mieux connaître l’article! Bravo👏🏾

davidducournou@gmail.com
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Force à toi mon ami

Emma BEDI
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Félicitations ! Très bel article 👍